Arçon Nature et Patrimoine : Le récit d’un combat

L’histoire de l’association Arçon Nature et Patrimoine est née de la volonté de sauvegarder l’allée des Tilleuls, ensemble de 15 arbres multi-centenaires remarquables par leur ampleur, reliant l’église et le cimetière du village d’Arçon, identifiée dans le PLU de la commune comme étant un élément à protéger pour son intérêt culturel et écologique.

Allée des tilleuls d’Arçon (avant abattage)

Cette allée est protégée par le code de l’environnement (Article L. 350-3 modifié par la Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite 3DS)

La protection des allées et alignements d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique vise à assurer la conservation (le maintien, le renouvellement) et la mise en valeur de ces allées et alignements.

Elle s’appuie sur une interdiction d’abattre ou de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou plusieurs arbres de cette allée ou alignement d’arbres.

Toutefois, certaines de ces actions peuvent être permises dans les cas suivants :

  • Par demande d’une autorisation préfectorale, lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements ;
  • Par dépôt d’une déclaration préalable auprès du préfet, lorsqu’il est démontré : 1) que l’état sanitaire ou mécanique du ou des arbres concernés présente un danger pour la sécurité des personnes ou des biens, ou un risque sanitaire pour les autres arbres, ou que l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée. 2) et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures ;
  • Sans déclaration préalable, en cas de danger imminent pour la sécurité des personnes, à condition d’informer sans délai le préfet sur les motifs justifiant ce danger imminent et de soumettre à son approbation les mesures de compensation envisagées.

Par ailleurs, le texte prévoit que, lorsque l’abattage est justifié par un danger sécuritaire ou phytosanitaire, une étude phytosanitaire justifiant le mauvais état de santé de l’arbre doit être jointe à la déclaration préalable déposée en préfecture afin de vérifier la réalité du motif invoqué.

Le décret n°2023-384 du 19 mai 2023 (Article R. 350-11 du code de l’environnement) précise les sanctions : une amende de 5ème classe (1500 €) en cas d’atteinte à un arbre sans y avoir été autorisé.

Une bataille de longue haleine

L’historique de la défense de l’allée des Tilleuls d’Arçon remonte à 2021, année où la municipalité a projeté de faire abattre l’allée, en non-conformité avec la loi.

  • En mars 2021, la municipalité programme l’abattage de l’allée des tilleuls centenaires, emblème du village. Elle s’appuie alors sur un rapport reçu en 2019 dans le cadre d’un appel d’offres. Une pétition en ligne recueille 1450 signatures pour dénoncer cette mesure.
  • Le 8 avril 2021, le sous-préfet annonce qu’il a fait un rappel à la loi, ce qui suspend l’abattage en attente d’investigations plus poussées. L’allée des Tilleuls est sauvée une première fois.
  • Le 26 juin 2021, le maire autorise l’abattage suite au dépôt d’une déclaration préalable de travaux. Un collectif d’habitants dépose alors un recours en référé pour illégalité au regard du code de l’environnement (article mentionné plus haut). La déclaration préalable est retirée le 15 septembre faute d’arguments sanitaires. L’allée des Tilleuls est sauvée une deuxième fois.
  • Le 29 septembre 2021, le conseil municipal vote la réalisation d’une expertise sanitaire, confiée à l’Office National des Forêts (ONF).
  • Le 7 octobre 2021, l’association Arçon Nature et Patrimoine est constituée.
  • En avril 2022, l’expertise est remise à la municipalité par l’ONF, mais le maire s’oppose à ce qu’elle soit rendue publique malgré les demandes réitérées de l’association.
  • Le 25 octobre 2022, L’expertise de l’ONF sert de support à une réunion publique en présence du sous-préfet qui vient de prendre ses fonctions, mais les extraits projetés sont très incomplets.
  • Le 3 novembre 2022, le conseil municipal vote en faveur de l’abattage de la totalité de l’allée.
  • Le 19 décembre, le rapport de l’ONF est rendu public, suite à un avis de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), sollicité par l’association.
  • Le 29 décembre, l’autorisation d’abattage est donnée tacitement par le préfet selon la procédure prévue au code de l’environnement.
  • Le 24 janvier 2023, le Tribunal Administratif de Besançon suspend pour défaut de preuves l’autorisation d’abattage pour 13 des 15 arbres de l’allée, suite à un recours en référé déposé en urgence par l’association. L’allée des Tilleuls est sauvée une troisième fois.

L’association demande alors au président du tribunal de mettre en place une médiation avec la commune et la préfecture, mais ne reçoit aucune réponse.

  • Le 13 février, la commune retire la Déclaration Préalable de travaux suspendue et en dépose une nouvelle pour le même objet mais complétée de nouvelles expertises décidées et réalisées entre le 24 janvier et le 13 février (l’ONF Vegetis-filiale de l’Office National des Forêts, un expert arboricole parisien, une écologue).
  • Le 17 février, 4 jours plus tard, le préfet du Doubs, s’en remet aux conclusions du service Biodiversité de la Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement (DREAL) et autorise l’abattage.

L’association dépose à nouveau en extrême urgence un recours en suspension, fait réaliser à ses frais une nouvelle expertise contradictoire, et apporte des contre-exemples aux allégations qui condamnent les arbres.

  • Le 10 mars , l’audience est présidée par le président du Tribunal Administratif et non par la juge des référés. Son avis ne conclut pas au doute légitime mais introduit au contraire une dangerosité supposée de l’ensemble de l’allée. Cette fois-ci l’autorisation d’abattre n’est pas suspendue.

Le jour même les photos de l’allée des Tilleuls sont effacées du site internet de la commune d’Arçon.

  • Le 13 mars 2023, les arbres sont abattus en 4 jours, sous la supervision du conseil municipal, du sous-préfet présent le 13 mars au matin, d’une écologue qui donne le feu vert arbre par arbre, en dépassant malgré tout de deux jours la prescription de protection des oiseaux inscrite dans l’arrêté préfectoral. L’allée des Tilleuls n’a pas pu être sauvée une quatrième fois.

La semaine suivante, des travaux de tranchées et de passage de canalisations, incompatibles avec la présence d’arbres de grande taille, ont été entrepris par la commune. Ces projets de travaux étaient connus, mais n’avaient jamais été invoqués comme raison nécessitant l’abattage de l’allée des Tilleuls.

Diverses associations ont soutenu la démarche : France Nature Environnement 25, la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), l’association Arbres Remarquables, Bilans, Recherches, Études et Sauvegarde (A.R.B.R.E.S.), la Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l’Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche-Comté (CPEPESC), et le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA).

Les arbres sont abattus, mais le recours sur le fond est toujours en cours. L’association veut gagner pour obtenir justice avec des compensations d’ordre écologique.

Arçon nature et patrimoine a édité un ouvrage de textes et photos intitulé « Souvenirs … souvenirs – Les tilleuls d’Arçon 2023 » disponible sur commande.